« Eviter de vous toucher le visage et en particulier la bouche, le nez et les yeux… ». Voici l’une des consignes que nous avons maintes fois entendues ces dernières semaines. Une enseignante d’un collège dont j’accompagne des groupes en cette période, m’a demandé si la Sophrologie pouvait aider à empêcher ces gestes souvent inconscients. Pour apporter une réponse à cette demande, je vous propose que nous prenions un peu de recul.
Quels sont les gestes que nous faisons et devrions éviter ?
Ces gestes concernent nos mains qui sont en mouvements très fréquents chez tous, même si certaines cultures accentuent le phénomène.
Nos mains, spontanément vont monter soutenir la tête sous le menton avec ou sans débordement sur les joues, se porter à nos lèvres pour en suivre le tracé ou juste à la commissure, gratter ou masser le menton, le nez, le front, caresser les joues, les sourcils et pour les hommes la moustache ou la barbe, presser ou tapoter les sinus ou les joues…
Parfois, tels les bâillements, ces gestes sont contagieux, en amenant d’autres sur soi ou chez les interlocuteurs par effet miroir.
Pourquoi faisons-nous ces gestes ?
Le plus souvent, ils sont inconscients mais ne sont pas inutiles. En effet, le cerveau cherche constamment à nous mettre en sécurité, à rétablir les équilibres dans la posture ou le fonctionnement du corps, à nous apporter des sensations de bien-être.
Ces gestes sont donc à rapporter à ces trois objectifs, qui tous sont très fortement liés à des émotions.
Le propos n’est pas ici de faire l’analyse du langage non verbal, c’est-à-dire de toute la richesse que les gestes, attitudes, expressions du visage apporte à nos communications avec les autres. Mais, notons simplement que lors d’une période d’anxiété, de perte de confiance en soi, d’instabilité émotionnelle, nous faisons davantage de ces gestes qu’en période de calme et de sérénité. De même, les chercheurs ont noté que ces gestes sont plus nombreux lorsque nous sommes en société que seuls à la maison.
Ces gestes ont souvent vocation à masquer l’expression d’une émotion (mettre les doigts au coin de sa bouche pour cacher une fébrilité, porter le doigt au bord de l’œil pour ne pas montrer une tristesse, porter les mains à ses joues si elles rougissent…). Ils sont aussi là pour nous rassurer (en se caressant le visage, les cheveux…), car retrouver le contact avec son corps c’est se sentir vivant, se prouver que tout va bien. Enfin, se masser le visage ou le cou apporte du confort, du bien-être, et cela nous est possible à tout moment avec des outils, nos mains, qui ne nous quittent pas.
Comment peut-on empêcher ces gestes ?
Comme nous l’avons vu ces gestes sont principalement non conscients et instinctifs. Ils sont très souvent liés à nos émotions.
De ce fait, en nous habituant à avoir davantage conscience de nos gestes, de nos ressentis et de nos émotions, nous pouvons limiter le nombre de fois que nous effectuons ces mouvements. Cela demande expérience et concentration, et l’effet ne portera que sur une partie de ces gestes.
La pratique de la sophrologie, en faisant prendre conscience de son corps, de ses sensations, de ses gestes, de ses émotions, en permettant de reprendre confiance en soi, favorise notre capacité à mieux gérer nos comportements et les gestes parfois superflus ou trop répétitifs qui peuvent être gênants.
Faut-il réprimer ces gestes « autocentrés » ?
En partant du constat que ces gestes sont liés à l’expression d’une émotion ou d’un besoin profond de se rassurer, la question se pose. Nous savons que les émotions ont besoin de s’exprimer et qu’en réprimer l’extériorisation reviendrait à ne jamais soulager une cocotte-minute jusqu’à son explosion ou implosion. Pas souhaitable !
Limiter les gestes excessifs peut-être utile. Je ne suis pas partisan de lutter systématiquement contre ces gestes dits « autocentrés » ou d’ « auto-contacts » pour plusieurs raisons :
- Les éviter est très difficile et ne peut concerner que des durées très limitées. C’est le cas de personnalités politiques lors de débats publics. Cela demande une concentration et la dépense d’une énergie considérable, énergie qui pourrait être dans la plupart des situations utilisée à des besoins plus importants.
- Ils font partie de notre personnalité, et ne sont généralement pas nuisibles. Bien au contraire, ils montrent notre humanité. Nous sommes tous faits de forces et de faiblesses, et c’est ce qui nous rend touchants. Une personne ne montrant pas ses émotions a une attitude plus froide et robotisée. Nous avons tendance à nous en méfier car instinctivement nous pressentons un manque de sincérité.
- Nous l’avons vu, ces gestes sont l’expression d’un besoin de confort, de protection, de rassurance. Ces besoins sont élémentaires et il est bon de les satisfaire. S’ils nous font du bien pourquoi s’en priver ? Pour des questions sanitaires ?
Mieux vaut à mon sens être très attentifs aux « gestes barrières » tels que se laver régulièrement les mains, porter convenablement le masque (sur la bouche et le nez), jeter proprement son mouchoir à la poubelle après utilisation et arrêter de cracher dans les rues et sur les terrains de sports lorsqu’ils seront à nouveau accessibles. C’est à la fois plus efficace, moins épuisant… et plus respectueux de notre personnalité.